Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image

A la fin de la route | 15 mars 2019

Scroll to top

Top

7 Comments

Là où la route s’arrête

Là où la route s’arrête
alafindelaroute

[soundcloud url= »http://api.soundcloud.com/tracks/5582149″ iframe= »true » /]

Jeudi 30 juillet, des Bergeronnes à Sept-Îles

La ruée vers le Nord débutait donc aux Bergeronnes. Le temps de se lever, de voir que tout le monde s’était déjà fait la malle (« running gag »), nous avions deux jours pour avaler les 800 kilomètres qui séparent notre point de départ de Natashquan, dernier village sur la 138. De là-bas, nous voulions aller une vingtaine de kilomètres plus loin, là où la route prend fin, puis faire marche arrière pour trouver un toit à Longue-Pointe-de-Mingan (à 190 km de Natashquan) ou à Havre Saint-Pierre (à 150 km). Vraiment, ce périple sur la Côte-Nord, où le mot solitude prend tout son sens, nous a réservé de très belles surprises. Et je ne pensais pas qu’il me marquerait autant.

 

 

La route 138, magnifique, longe le Saint-Laurent qui à notre droite, paisible, s’étend à perte de vue. Les villages défilent : Les Escoumins d’abord (ci-dessous), puis Forestville, Betsiamites (réserve innue), Chute-aux-Outardes, Hauterive, Baie-Comeau (où on mange dans un « Saint-Hubert », sorte de KFC amélioré spécialisé dans le poulet rôti, burp)…

 

 

Peu après Godbout, point de départ de traversiers vers la Gaspésie, et après 4h30 de voiture, nous filons sur notre droite pour une petite halte au phare de Pointe-des-Monts. Construit en 1830 dans une robe rouge et blanche à la « cherchez Charlie », c’est l’un des plus vieux en Amérique du Nord. Pas vraiment le temps de s’attarder malhaureusement, il nous reste presque trois heures de route pour rallier Sept-Îles. Nous passons par Place-aux-Français (!) puis Pointe-aux-Anglais et son très beau cimetière (oui, j’aime les cimetières) face au fleuve.

 

 

Sept-Îles est à portée de vue juste avant le coucher du soleil. Premier motel à l’entrée de la ville, nous tentons notre chance avec succès pour 90 $ et des brouettes (70 euros environ). De quoi souffler… un petit peu. Car c’est la dernière grande ville sur notre route avec 25000 habitants et tous les services à disposition. Donc, notre fin de journée se résume à une visite du supermarché IGA pour faire le plein de nourriture et de glace. De Sept-Îles, nous ne verrons pas grand-chose. Juste que cette ville a l’air dynamique malgré un premier aspect un peu froid, assez industrieux (exploitation minière, aluminium, transport du fer en provenance du Labrador, plus au nord) mais semble tout de même une halte incontournable sur la Côte-Nord.

 

Vendredi 31 juillet, de Sept-Îles à Natashquan

En fait, Sept-Îles nous a quand laissé un immense souvenir…. gustatif : des muffins à se rouler par terre. Avant de repartir, au pif, nous nous arrêtons dans une boulangerie (la bien nommée « J’Les Fais Moi-Même » rue Smith) pour acheter ça.

 

 

OMG ! J’en bave encore, je me pourlèche les babines. Au moins, au retour, nous savions où faire une petite pause. En parlant nourriture, partout où l’on va sur la Côte-Nord, on voit des panneaux « Chicoutai » (ou chicouté), « liqueur de chicoutai », « confiture de chicoutai », « ramassage de chicoutai », « bidule qui se mange à la chicoutai » etc, etc… Euh, ok, mais c’est quoi en fait ? Renseignement pris, la chicoutai, est une sorte de mûre des marais, au goût acidulé, appelée aussi plaquebière. Ça ressemble à ça et ça vaut pas les muffins de tueur juste au-dessus.

 

 

D’ailleurs, il fallait bien les muffins sur la route qui mène maintenant plein Est. Le temps, qui change à une vitesse incroyable, est horrible. C’est une plongée en pleine nature, les perspectives s’allongent, les villages et les stations-service se font de plus en plus rares après Sept-Îles. Un oeil sur ma jauge, on avance. A 85 km après Sept-Îles, avant Rivière-à-la-Chaloupe, la route passe au-dessus de la rivière Manitou et de ses chutes de 35 mètres. Une petite marche facile en pleine forêt permet d’arriver juste à côté de ce boucan d’enfer. Mais nous sommes absolument seuls et c’est magnifique. Comme sur la plage de Rivière-au-Tonnerre un peu plus loin, un village d’un calme absolu dans lequel nous allions revenir le lendemain.

 

 

Nous arrivons assez tôt à Longue-Pointe-de-Mingan, situé juste en face du parc national de l’archipel de Mingan et de ses macareux. Dans l’idée, nous souhaitions loger ici pour partir les jours suivants en excursion dans les îles puis en excursion baleines. A Longue-Pointe, c’est très facile, il suffit d’aller voir Danielle « la fille du gardien de phare » (c’est écrit sur la cahute). Simple, car Danielle a une boutique, un restaurant, s’occupe des excursions dans les îles, et gère presque tous les logements du village (camping, motel, chalet). Un personnage Danielle. Notre première rencontre est magnifique, elle arrive au magasin avec un plat énorme, recouvert d’alu et baignant dans le sang. Avec son accent terrible, elle nous explique que c’est un morceau d’orignal qu’elle a chassé et qu’elle fait décongeler. Ok. Cette businesswoman comme on en a jamais vu nous explique que c’est rapé pour les logements. « A cette époque, il faut réserver », nous dit-elle, tandis que sa cousine ou belle-soeur, qui tient la boutique, nous demande si on est venu depuis la France en voiture (°_0). Notre seule solution, Havre Saint-Pierre, à 45 minutes de route. Bien dégoûtés de laisser Danielle dernière nous (mais ce n’est qu’un au revoir, photo bientôt !), nous ne perdons pas de temps.

 

 

Havre-Saint-Pierre, avec ses 3000 habitants, est la « mégalopole » de la région (bon, 1 habitant au km2, ça se bouscule quand même pas). On y trouve tout ce qu’il faut, y compris un motel, du genre cher (110$) mais que nous réservons pour trois nuits. C’est une ville de pêcheurs, avec un petit charme. Les panneaux de rue rendent hommage à l’ascendance acadienne des premiers habitants (drapeau français et étoile jaune).

 

 

Pas de temps à perdre. Les valises posées, nous reprenons la route en direction de Natashquan (2h15). Le premier village sur notre chemin, Baie Johan-Beetz, une centaine d’habitants, est à 1h10 et se nomme ainsi en honneur d’un aristocrate belge qui a habité les lieux pendant quelques années. Son fait d’arme : avoir évité au village l’épidémie de grippe espagnole en le mettant en quarantaine. Il y a fait construire son manoir au toit rouge (« le Chateau »), qui domine les quelques habitations. Vraiment charmant.

 

 

Pour les Québecois, Natashquan est un mythe. Une bourgade (270 habitants) que tous connaissent, au bout d’un long voyage favorisant l’introspection, presque une quête initiatique. Avec son croissant de sable immense (on peut, paraît-il, on ne l’a pas testé, s’y baigner l’été !?), Natashquan, où l’on retrouve innus et acadiens, a une image forte : les magasins du Galet, d’anciennes cabanes de pêches dont certaines ont plus de 150 ans.

 

 

Une image mais aussi un personnage puisque Natashquan est le village natal du poète et chansonnier québécois Gilles Vigneault, auteur du célèbre « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver » de la chanson « Mon Pays ». Si Gilbert Bécaud a aussi mis en musique Natashquan, Gilles Vigneault en est le chantre. Voilà le premier couplet et refrain de « C’est à Natashquan » :

Natashquan, c’est un village
Côté nord du Saint-Laurent
C’est au bout d’un beau voyage
Qui raconte et qui surprend

À la voile ou en voiture
C’est un départ pour ailleurs
Et ça reste une aventure
Digne des vrais voyageurs

Dans les années difficiles
D’il y a cent cinquante ans
Ils ont dû quitter leurs îles
Toujours en Grand Dérangement

Dans ces vastes territoires
Ils se sont vite établis
Posant ainsi dans l’histoire
Les premiers pas d’un pays

Refrain :
C’est à Natashquan
Que le temps s’arrête
C’est à Natashquan
Que le temps m’attend

Au bout de la plage, à 5 km de Natashquan, il y a la réserve innue de Pointe-Parent, alignement sans âme de dizaines de maisons. C’est à cet endroit que le bitume prend fin pour laisser place à une piste. La fin du voyage est annoncée : 18 kilomètres le long de la rivière Natashquan et de ses magnifiques bancs de sable. C’est cette rivière qui marque la fin de la route. Un panneau  » Route 138 : fin » (idéal pour un petit graffiti-dédicace) et quelques dizaines de mètres plus loin, la piste plonge dans la rivière. Ça n’a l’air de rien comme ça mais voir cet endroit me tenait vraiment à coeur, et de plus en plus au fil de notre avancée sur la Côte-Nord. Certainement le symbolisme, voir l’homme s’arrêter pour une fois devant la nature. C’est illusoire et naïf, car il pourrait à tout moment prendre le dessus et il y aura une route un jour, c’est prévu. Mais à cet endroit précis, à une vingtaine de kilomètres de Pointe-Parent, il s’est arrêté. Et j’ai trouvé ça beau.

 

 

Qu’y a-t-il après ? Des villages innus, des ports de pêche puis la région du Labrador. Des contrées que j’espère un jour visiter. C’est possible en prenant le bateau (Nordik express) jusqu’à Blanc-Sablon (450 kilomètres plus loin, la route reprend là), dernier village du Québec avant le Labrador. Le voyage en bateau prend deux jours. Il est aussi possible d’embarquer à Sept-Îles ou Rimouski. Un avion doit également desservir Blanc-Sablon. Sinon, il y a la route. Oui, oui ! Mais c’est une boucle incroyable de 2300 km. Autant dire que j’en rêve. Pour nous, c’est l’heure de rentrer à Havre Saint-Pierre (2h30 de route). Demain, nous visitons la Minganie.

 

 

 

Le coin des adresses

Phare de Pointe-des-Monts, 1830 du Vieux-Phare, Baie-Trinité. (418) 939-2400. Site : www.pharepointe-des-monys.com
Boulangerie « J’Les Fais Moi-Même », 114-350, Rue Smith, Sept Îles.
Parc National de l’Archipel de Mingan. Au large de Havre Saint-Pierre. Site : http://www.pc.gc.ca/fra/pn-np/qc/mingan/index.aspx

 

Comments

  1. Belugatadou

    Vous aussi, êtes tombé en amour de cette magnifique région? Je vous souhaite de continuer jusqu’à Blanc-Sablon sur le Bella Desgagnés (qui remplace le Nordik depuis 2012).
    Vous en reviendrez enchanté et le retour sera difficile. Mon mari et moi aurons le plaisir de faire ce trajet pour la deuxième fois (juin 2014).
    A Natashquan, avez-vous rencontré Lionel, le cousin de Gilles Vigneault? C’est un chantre du 21ème siècle!!!
    Vous êtes jeunes, je souhaite qu’un prochain voyage vous fasse encore plus rêver.
    Bon voyage et bonnes découvertes

    • alafindelaroute

      Merci pour ces infos « Belugatadou ». Oui, nous avons adoré notre passage en Côté Nord, un endroit idéal pour se ressourcer et se recentrer. Et non, nous n’avons pas rencontré Lionel !

  2. LILLE Alain

    Je voudrais connaître la dernière station service essence avant Natashquan au cas ou. Je projette de faire cette découverte de la 138 fin Juin, début Juillet. Mais je ne connais pas la dernière station essence avant le bout du bout . Merci de me renseigner sur mon adresse courriel.

  3. Sylvaine

    Merci pour ce beau reportage… J’espère que nous allons voir d’aussi belles choses que vous; nous partons pour la région le 22 août prochain pour 3 semaines. Savez-vous si nous pouvons dormir hors des campings ? Nous avons un bus aménagé, moins gros qu’un camping-car, mais avec tout le confort. Nos questions se posent au sujet du nombre des stations-essence jusqu’à Natashquan et sur les campings…Merci de nous aider si vous le pouvez…

    • alafindelaroute

      Bonjour Sylvaine, désolé pour la réponse un peu en retard mais votre commentaire était tombé en spam. Notre voyage dans le secteur commence à remonter. Mais vu le peu de vie dans ce secteur, je ne pense pas que vous aurez des soucis pour vous arrêter et dormir dans le secteur. C’est vraiment sauvage. Pour l’essence, c’est étudié pour que vous n’ayez pas de souci jusqu’à Natashquan. On avait fait simple : une station, on s’arrêtait, même si on avait encore 3/4 ou 1/2 plein.
      Bon voyage

Submit a Comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial